Depuis trop longtemps elle avait délaissé les terres qui lui avaient été octroyées. Elle aurait pu se justifier en parlant des campagnes qui s'étaient succédées, trop longues et si éprouvantes, ou bien de cette caserne à laquelle elle semblait enchainée, puisqu'elle n'arrivait pas à s'en détacher... Mais peut-être que la vérité était ailleurs, dans cette grande lassitude qui la submergeait parfois.
A son retour à Patay, elle était restée quelques jours dans la maison où elle avait vécu si longtemps, s'occupant aussi de l'auberge et de son moulin, essayant de retrouver une vie plus normale. Et puis, la paix semblait s'être installée. Bien sûr, c'était toujours précaire, mais elle avait entendu dire, au Château, que les soldats seraient laissés au repos si un autre conflit se profilait. Elle avait pensé que c'était un peu contradictoire, puis avait décidé de ne pas s'en préoccuper outre mesure: elle agirait selon les circonstances.
Du coup, se retrouvant libre de ses mouvements, elle avait repris la route de Saint-Gondon, où elle était arrivée sans prévenir personne. Ses quelques rares serviteurs s'étaient employés à maintenir le domaine en état, mais il était temps qu'elle revienne.
Elle avait profité d'une rare éclaircie pour aller dans le jardin, où les premières fleurs mettaient des touches de couleur. Là aussi, la vie reprenait doucement...
Le son de la cloche lui parvint, et elle resta un instant interdite: qui pouvait bien lui rendre visite? Elle pensa que le garde devait être là, mais finalement la curiosité fut la plus forte, et elle alla jusqu'à la grille. Elle n'avait pas été assez prompte, sa suzeraine l'avait précédée, et accueillait déjà sa visiteuse. Joshin se mit à rire:
- Deux bonheurs en même temps, votre arrivée ma chère Wendy, arrivée que je n'espérais plus, et la visite imprévue aussi de ma Suzeraine, qui a l'obligeance de précéder le garde. D'ailleurs, je me demande bien où il est, il faudra que je le réprimande.
Comment allez-vous, toutes deux? Dieu, que j'ai plaisir à vous voir, et comme j'ai bien fait de revenir il y a peu, j'aurais pu manquer votre visite et je ne me le serais pas pardonné.